Où l'on parle de chaussures et de biais cognitif 🗃️

· Pims

🦶 Où l'on parle de chaussures et de biais cognitif

📦 Un vieux billet exhumé de mon ancien blog. Attention, poussière possible !

🗓️ mer. 30 septembre 2020


Sutor, ne supra crepidam
Cordonnier, pas au-delà de la sandale.

C’est de là que vient l’expression « ultracrepidarianisme ».


Une origine antique

On trouve son origine dans L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, où il raconte qu’un cordonnier (sūtor) s'était approché du peintre Apelle pour lui signaler une erreur dans la représentation d’une sandale (crepida, du grec krepis). Le peintre corrigea aussitôt son œuvre.
Encouragé, le cordonnier formula d’autres remarques sur la peinture. Ce à quoi le peintre répondit :

Ne supra crepidam sutor iudicaret
(Un cordonnier ne devrait pas juger au-delà de la chaussure).

Le proverbe était né.


Dunning-Kruger, COVID et humilité

Ces dernières années — et plus encore depuis le COVID —, j’ai de plus en plus de mal à écouter les gens persuadés de tout savoir, dans tous les domaines.

L’explosion des « experts » auto-proclamés sur les plateaux TV, les podcasts, les réseaux sociaux est épuisante. Je ne parle même pas des complotistes, mais simplement de cette inflation d’opinions assénées avec aplomb sur des sujets aussi complexes que la santé publique, les politiques économiques ou les sciences dures.

J’ai moi-même été interrogé dans une radio-trottoir sur le port du masque. Que dire ? Qu’il fait de la buée sur mes lunettes ? Au fond, je ne sais pas. Et c’est justement ça le problème : beaucoup de gens ne savent pas, mais affirment quand même.


L’effet Dunning-Kruger

Il y a quelques années, un prix Ig-Nobel a récompensé une étude psychologique très sérieuse sur un biais bien connu :

Les 4 hypothèses de Dunning & Kruger :

  1. La personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence.
  2. Elle ne parvient pas à reconnaître la compétence des autres.
  3. Elle ne se rend pas compte de son incompétence.
  4. Une formation appropriée peut l’aider à corriger ses erreurs passées.

On frôle l’anosognosie intellectuelle : ne pas voir son propre handicap (ici, cognitif).


Savoir dire "je ne sais pas"

Le vrai plaisir ? Quand un invité de plateau, souvent chercheur ou universitaire, ose répondre « je ne sais pas ».
C’est rare, précieux et souvent beaucoup plus riche que mille certitudes creuses d’un éditologue de service.

Peut-être qu’un bon "je-ne-sais-pas", dans nos vies personnelles comme collectives, ferait du bien à tout le monde.