Patate

· Pims
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Je fais partie des "geriatric millenials". Quand je suis né, les numéros de téléphone (fixe, parceque c'est tout ce qu'il y avait) faisaient 8 chiffres, j'avais une carte de téléphone dans mon portefeuille pour appeler ma maman quand je sortais de la piscine, et j'avais un livret jeune - littéralement un livret qu'il fallait mettre à jour réguliérement en allant à la poste pour que les derniers mouvements soient imprimés dessus avec une magnifique imprimante à aiguille. Mais j'ai vu apparaître tous les outils modernes, on parlait vaguement de "multimédia" au début, puis de "NTIC" (nouvelles technologies de l'information et des communications), puis de "transformation digitale". Il ne reste plus grand choses à transformer aujourd'hui. D'aucuns parleront du virage de l'IA, l'avenir jugera. J'ai adoré cet univers. Découvrir en bricolant, en se trompant, en reformattant, en crashant, en éditant, en piratant, en copiant etc... Tout ce qui a un clavier et un écran était une opportunité pour moi d'essayer quelque chose de nouveau. Je me suis connecté à internet en 1998 avec un 56k, j'ai posé un petit nom de domaine pour un blog en 1999. J'ai vécu la révolution de Google qui remplaçait Lycos, Copernic, Altavista, Sprinkle etc... J'avais un compte Gmail "béta", J'ai acheté le premier Nexus (quelle pépite!), je me suis inscrit sur tellement de site, d'apps. Le tout premier navigateur avec des onglets? Je teste. Une béta d'un nouveau réseau social? j'étais dessus. Une app en alpha? encore mieux. Installer une ROM sur un smartphone pour prolonger sa vie? Ok on va tenter. La fin de Suprnova? De Google Reader? De ICQ? pas grave on va essayer autre chose.

J'ai commencé à douter quand les écosystèmes smartphone se sont réduits à 2. Pas que je sois un fan de Windowsphone, je n'en ai même jamais eu, mais de voir le choix se réduire n'était pas un bon signe. Puis quand j'ai vu des gens que je connaissais vriller sur Facebook. Du matériel que j'achetais verrouillé au niveau logiciel. Et enfin, quand professionnellement je me suis intéressé à l'OSINT et à toutes ces miettes de data que l'on laisse derrière soit, j'ai regardé un peu ce qui était mon propre héritage numérique: un capharnaüm. Tellement de sites, de bétas, où je l'étais inscrit. Je me suis alors lancé dans une grande course à la suppression/réappropriation de mes données. Et c'est un marathon infini, pas un sprint. J'ai bricolé un pihole "pour voir" et j'ai été halluciné de la quantité de datamétrique (étonnament le pire étant la TV!) de mon réseau à la maison pour nourrir des boîtes qui n'avaient d'autres raisons d'être que de nous vampiriser pour in fine vendre de la pub - au mieux.

J'ai tenté aussi de privilégier les clients tiers (si possible opensource) pour Twitter, Reddit etc... Mais la aussi l'étau s'est resserré, les API de moins en moins disponible, les services se verrouillent les uns les autres, et les alternatives ne sont pas toujours au niveau. Quant aux détournements d'algorithme, on n'est même plus dans une simple optique de vendre des VPN ou de l'eau sucrée, il suffit de regarder l'horizon politique de quasi tous les pays du monde. Et je ne parle même pas de l'entraînement des réseaux neuronaux sur absolument toutes les données possibles et imaginables.

Alors à mon humble niveau, j'ai décidé de faire du "bio" maison. Héberger mes données à moi chez moi. Limiter les intrants. Purifier les flux. Protéger ma famille. Faire du "slow cooking" numérique. Je ne me suis jamais revendiqué libriste hardcore (je n'ai même jamais gouté au kombucha pour donner dans le cliché facile) mais force est de constater que cela me semble la meilleure alternative actuelle. Me voici donc dans un (bon) café à rédiger ce premier post, sur Obsidian, sur un linux bricolouillé pour tourner sur une SurfacePro de troisiéme main, avec pour objectif d'en faire le premier billet de blog que je ferai tourner sur Zola, un moteur pour faire du statique en Rust, que j'hébergerai dans mon coin. J'ai pas vocation à le promouvoir ni le vendre. Je plante juste une patate pour moi dans mon coin. Ce blog est une patate. Il faudra que je l'arrose réguliérement. Je ne sais pas quelle forme elle prendra. Peut être que ça fera des frites. Peut-être que ça fera juste une "patate pourrite". Mais ça sera ma patate à moi.